Capire l’ambivalenza

Berna, 13.04.2018 - 

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Chers créateurs de Visions du réel,
chers cinéphiles,
Chers membres des autorités fédérales, cantonales et communales
Mesdames et Messieurs,
Ladies and Gentlemen,
Liebes Publikum,

Im Film wie im Leben gibt es Szenen, die lassen uns nicht mehr los.

C'est un jeu vieux comme le monde. Il voit son père, il ferme les yeux, ne le voit plus. Il ouvre les yeux : le revoici. Le fils rit comme seuls les enfants savent le faire. Le père rit aussi.

Une scène d'une tendresse infinie.

Ce père si aimant, pourtant, incite ses enfants au combat. Pour un Dieu qu'il vénère, pour un monde qu'il croit meilleur, il tue, il fabrique des bombes. C'est sa vie actuelle. Et c'est dur à voir cette vision-là du réel.

Cette vision qui révèle notre ambivalence d'êtres humains, capables du meilleur, mais aptes au pire aussi.

Pourtant c'est peut-être ce qui m'intéresse le plus au cinéma comme dans la vie : mieux comprendre la complexité de l'être, ses motifs, ses facettes sombres ou admirables.

Je vais vous faire une confidence.

Je ne vais pas au cinéma pour me distraire. Mes journées sont suffisamment pleines de rebondissements. Et de suspens aussi. Car je ne suis jamais sûre de réussir à convaincre mes collègues au Conseil fédéral ou les parlementaires sous la Coupole ou encore la population quand il y a votation.
Cela ne se voit peut-être pas, mais je suis assez souvent sur des charbons ardents.

Alors non, je ne vais pas au cinéma pour me distraire. J'y vais pour autre chose. Regarder des films, cela fait partie de ma vie comme de mon travail. Je regarde des films pour apaiser ma soif et mon besoin de savoir. Parce que pour savoir, je ne peux pas me limiter à lire des informations et des rapports.

Pour savoir il faut aussi ressentir, lire sur le visage d'un enfant, entendre la voix d'une femme éplorée, imaginer l'odeur de la cuisine, avoir le sentiment d'être là alors qu'on n'y est pas.

Parce que, comme tant d'autres, je comprends mieux un thème complexe si un réalisateur me prend par la main et me présente une personne qui est confrontée à cette réalité dans sa vie quotidienne.

Un réalisateur qui m'offre sa vision du réel.

Heureusement pour nous, les cinéastes ont le courage de s'emparer de thèmes hautement complexes. Et de donner une voix à ceux qui n'en n'ont pas. J'aime cette polyphonie du cinéma.

Par exemple dans le film du Suisse Milo Rau, Le Tribunal sur le Congo, tous ont droit à la parole : les parents des massacrés, le policier du village, le gouverneur. Tous se soumettent aux questions implacables du tribunal.

C'est alors, quand résonnent toutes ces voix, que nous commençons à comprendre pourquoi, au Congo, dans ce merveilleux pays, dans ce pays riche en ressources naturelles, la population est plus pauvre que jamais. C'est alors que nous saisissons à quel point les gens souhaitent, plus que tout, juste un peu de justice.

Le Genevois Daniel Schweizer a consacré plusieurs films au thème des matières premières, à ces gens qui vivent au milieu de la richesse mais n'en retirent aucun bénéfice. Dans le film Trading Paradise, que vous avez découvert ici même, le réalisateur a montré aussi que les bénéfices vont ailleurs, dans notre pays par exemple.

Parce que oui, la Suisse a quelque chose à voir avec cette injustice révoltante qui fait que la mortalité infantile est la plus haute dans les pays où la terre est la plus riche en or, en cobalt, en diamants, en uranium. Notre pays compte en effet des entreprises, et pas des moindres, qui font des affaires profitables avec ces matières précieuses venues d'ailleurs, venues parfois de pays où quelques puissants s'enrichissent au détriment de la population.

C'est une des forces du film documentaire : il nous implique mais il ne rend pas de jugement simple où les bons seraient d'un côté et les méchants de l'autre. Il nous force à supporter l'ambivalence, que ce soit au Congo ou chez un père aimant qui dresse pourtant ses enfants au combat.

Ce genre de films est exigeant, il demande un effort au spectateur, mais il est aussi enrichissant. Il nous permet de mieux nous comprendre les uns les autres. Au fond, il nous rapproche.

Je remercie les cinéastes du réel de nous empêcher de détourner notre regard de la réalité.

Car ceux qui endossent des responsabilités doivent observer, accepter l'existence de défis et de dilemmes, douter et y regarder de plus près encore. C'est vrai pour nous les politiciens, c'est vrai aussi dans le monde économique et dans celui des sciences.Et c'est vrai pour nous, citoyennes et citoyens, nous qui sommes souvent appelés à voter, une autre prise de responsabilités.

D'ailleurs la prochaine fois, le 10 juin, il serait bon que les amis de la culture se mobilisent.

Si nous voulons que la Loterie Romande - et avec elle la culture - continue de profiter des jeux d'argent il faut voter oui à la nouvelle loi. Sinon les bénéfices des jeux online iront de plus en plus à l'étranger.

Je remercie le festival de Nyon qui, depuis tant d'années, offre une vitrine à un cinéma qui aiguise notre regard, qui l'élargit aussi. Ce n'est pas un hasard si votre festival jouit d'une réputation d'excellence dans le monde.

Enfin, je remercie le festival de m'avoir invitée pour le début d'une ère nouvelle, celle de la directrice Emilie Bujès.

Je me réjouis que cette jeune femme s'impose et propose son programme. Pas seulement parce que je me réjouis toujours quand une femme se saisit du pouvoir, mais parce qu'Emilie Bujès connaît très bien d'autres arts que le cinéma et qu'elle apportera un regard neuf sur le documentaire.

La conseillère fédérale, et la musicienne que je suis aussi, se réjouit tout spécialement quand une nouvelle voix s'élève dans le choeur culturel de notre pays.

Madame, Mesdames, Messieurs, je vous souhaite une édition palpitante.

 


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