1. Encouragement de la coopération
Le séquestre et la confiscation par l’Etat de valeurs patrimoniales acquises de manière illicite sont des instruments importants et efficaces pour lutter contre la criminalité. Ces mesures répondent au principe selon lequel le crime ne paie pas. Comme les avoirs concernés ne se trouvent souvent pas dans le pays où les infractions ont été commises, ils ne peuvent être confisqués que si les Etats coopèrent entre eux. A cet effet, des conventions ont été conclues (comme la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment et les Recommandations du Groupe d’action financière GAFI) pour partager les avoirs confisqués entre les Etats participant à la procédure pénale (sharing). La loi fédérale sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées (LVPC), entrée en vigueur le 1er août 2004, sert de base juridique à la conclusion d’accords de partage entre la Suisse et les Etats étrangers, ainsi qu’entre la Confédération et les cantons.
2. Partage entre la Suisse et les Etats étrangers
La LVPC fait une distinction entre partage international actif et passif :
- Dans le cadre du partage international actif, les autorités suisses confisquent des avoirs illicites dans une procédure pénale menée par elles-mêmes sur la base du droit suisse. Elles remettent ensuite une partie de ces avoirs à l’Etat étranger qui les a aidées dans la procédure.
- Dans le cadre du partage international passif, l’Etat étranger mène lui-même une procédure pénale et confisque les avoirs illicites sur la base de son propre droit. Sur demande, la Suisse transmet à cet Etat les moyens de preuve et les documents nécessaires ou lui remet des avoirs situés en Suisse en vue de leur confiscation ou de leur restitution à leurs ayants droit dans le cadre de la procédure étrangère. En échange de cette aide, l’Etat étranger cède à la Suisse une partie des avoirs confisqués.
Procédure
- Si une confiscation est susceptible de donner lieu à un partage avec un Etat étranger, les autorités fédérales ou cantonales en informent l’Office fédéral de la justice (OFJ).
- L’OFJ entend les autorités fédérales ou cantonales concernées.
- L’OFJ négocie avec les autorités étrangères pour parvenir à un accord de partage. En général, la Suisse et l’Etat étranger se partagent les avoirs à parts égales. Les avoirs issus de la corruption ou de la gestion déloyale dans la fonction publique ne sont pas partagés. Ils sont restitués entièrement à l’Etat lésé.
- L’OFJ conclut l’accord de partage. Lorsque le montant brut dépasse 10 millions de francs, l’OFJ requiert l’approbation du Département fédéral de justice et police.
- Les autorités suisses ayant confisqué les avoirs remettent ceux-ci à l’OFJ. L’OFJ transfère à l’Etat étranger la part lui revenant. Il peut également demander aux autorités cantonales de transférer directement à l’Etat étranger la part lui revenant.
3. Partage entre la Confédération et les cantons
La LVPC prévoit des règles simples pour un partage équitable entre les collectivités parties à la procédure pénale. On évite ainsi les conflits d’intérêts. Une procédure de partage est engagée si le montant des avoirs confisqués est égal ou supérieur à 100 000 francs.
- 5/10 reviennent à la collectivité (Confédération ou canton) qui a mené l’instruction pénale et a prononcé la confiscation, autrement dit qui a effectué la plus grande partie du travail.
- 2/10 reviennent aux cantons où se trouvent les valeurs patrimoniales confisquées, pour leur soutien dans la procédure.
- 3/10 reviennent à la Confédération pour son soutien aux cantons dans la lutte contre la criminalité.
Au terme de la procédure de partage, l’OFJ rend une décision indiquant le montant revenant aux cantons concernés et à la Confédération. Il est possible de faire recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral.
Les avoirs confisqués sont versés dans la caisse générale de l’Etat. La LVPC ne prévoit pas d’affectation particulière pour ceux-ci. Elle laisse les bénéficiaires en disposer librement.
4. Cas
Entre 2004 et 2015, la Suisse a touché environ 90 millions de francs par le biais d’accords de partage internationaux.
Dans presque tous les cas, les avoirs ont été partagés à parts égales, selon la pratique habituelle.
Les avoirs sont confisqués sur la base de jugements de confiscation suisses ou étrangers, le plus souvent dans des affaires de drogue ou de blanchiment.
Depuis l’entrée en vigueur de la LVPC, c’est avec le Japon (58,4 millions de francs) et avec les Etats-Unis (50 millions de dollars) que la Suisse a partagé les montants d’avoirs confisqués les plus élevés.
Dernière modification 19.07.2023